Un fonds indiciel portant sur l’«or rouge» assure un rendement annuel moyen de 15%

Philippe Rodrik – 24heures 03/10/11

L’or chute et la valeur du franc ne peut plus progresser par rapport à l’euro. Dans un tel contexte, de plus en plus d’investisseurs parient sur la nouvelle valeur refuge: le vin.

Un produit financier accélère cette tendance de façon décisive: le Liv-ex 100 Fine Wine Index (London International Vintners Exchange Index). Ce fonds indiciel portant sur l’«or rouge» s’avère un des plus appréciés du monde. Il évolue, comme son nom l’indique, en fonction de la cote de cent crus prestigieux. Et 96% de ces derniers proviennent, évidemment, du Bordelais. Des noms?

Soyons fous et osons citer quelques millésimes de rêve figurant parmi les cent élus du Liv-ex 100 Fine Wine Index: Lafite Rothschild 2008 ou 2005, Mouton Rothschild 2006, Cheval Blanc 2005 ou 1998, Yquem 2007, 2001 ou 1990, Pétrus 2008, Pichon Lalande 2003 ou encore Dom Pérignon 1996, Krug 1990, Ornellaia 2004.

 

Un cellier très résistant

Ce cellier s’avère particulièrement résistant. Le Liv-ex 100 Fine Wine a en effet progressé de 7% depuis le début de l’année, alors que les Bourses ne cessent de s’affoler. Du fait de la dette abyssale des Etats-Unis, d’Etats membres de la zone euro de plus en plus proches de la cessation de paiements, sans oublier l’urgence de recapitaliser certaines banques françaises.

Le vin n’échappe certes pas complètement aux sautes d’humeur des investisseurs. Depuis son plus haut historique de juin, le fameux indice vinicole a régressé de 1,6%. «Depuis 2001, le vin de qualité supérieure(en fonction des évaluations du Liv-ex 100 Fine Wine index)a assuré un rendement annuel moyen de 15%. Il a ainsi surpassé celui de classes d’actifs telles que les actions ou les matières premières», observait déjà l’an dernier Juliette Lim Fat, une experte du Credit Suisse.

Le vin devrait devenir un sujet de conversation de plus en plus fréquent entre les gestionnaires de fortune helvétiques et leurs clients. Le service de la recherche de la deuxième banque du pays prête ainsi une attention constante à ces actifs alternatifs. Une société financière, spécialisée dans la promotion des investissements dans l’«or rouge», a vu le jour l’an dernier à Zurich: Wine Wealth GmbH. «La présence de vins fins dans un portefeuille assure un bon équilibre dans les risques», indique le directeur de cet établissement, Mattias Sundström.

 

Impôts supprimés

Toute cette effervescence liée au vin est favorisée par un élément majeur: les marchés se préparent à une forte augmentation de la demande dans les pays émergents ces prochaines années. Entre l’Inde et la Chine, le nombre d’investisseurs susceptibles de s’engager sur ce marché devrait tripler d’ici à 2018, selon Merrill Lynch. La consommation de jus de raisin fermenté a déjà augmenté de 28% dans la patrie de Mao entre 2009 et 2010. Elle devrait se hisser au septième rang mondial d’ici à 2013. Après avoir supprimé sa taxe sur le divin breuvage en 2008, Hongkong est devenu le principal centre de ventes aux enchères aux côtés de Londres et New York.

 

Le Bordelais de l’avenir

Cette tendance ne devrait toutefois pas aboutir à une explosion de l’offre de vin. La demande mondiale ne croît que de 0,8% en moyenne par an, depuis 1997. Et elle tend à diminuer en Europe. Cette réalité a suscité un énorme développement de la production aux Etats-Unis, en Amérique du Sud, en Australie, en Chine et en Afrique du Sud dès la fin des années 1980. Les parts de marché des viticulteurs du Vieux-Continent sont passées de 63% en 1989 à 43% vingt ans plus tard.

Les vignes vont continuer à conquérir toujours plus d’hectares dans l’Empire du Milieu. Et l’impact de la production chinoise devrait commencer à se développer sur les marchés financiers d’ici à dix ou vingt ans. A cette fin, les partenariats se multiplient entre sociétés chinoises et occidentales. Le groupe CITIC (China International Trust and Investment Corporation), société contrôlée par l’Etat, développe ainsi divers projets de grands crus avec un illustre domaine du Médoc: Château Lafite. Les futurs ceps s’aligneront dans la province de Shandong, «souvent présentée comme le Bordelais de l’avenir», précise Juliette Lim Fat.